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Dualité en garderie : « où peut-on faire valoir nos droits? », se demande un père |RADIO-CANADA|

Prenez note que cet article ne fait plus l’objet de mise à jour et pourrait contenir des informations désuètes.

RADIO-CANADA – Alix Villeneuve, publié le 4 mai 2023

Un citoyen de Fredericton croit que l’accès à une garderie dans sa langue est un droit garanti par la constitution. Il estime que celui-ci est bafoué au Nouveau-Brunswick et cherche un recours pour défendre les droits des francophones.

Selon Nicolas Carrière, une place dans une garderie dans sa langue est un droit constitutionnel.
PHOTO : RADIO-CANADA

Selon plusieurs experts acadiens, la garderie est le début du continuum de l’éducation. Ainsi, comme offrir l’éducation dans sa langue est un droit, garantir l’accès à des services de garderie dans sa langue serait également une obligation pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick.

Cette vision est entre autres partagée par l’expert Gino LeBlanc ou le juriste Michel Doucet, mais n’a pas été confirmée par un tribunal.

Nicolas Carrière, chez lui, lors d'une entrevue avec un journaliste.
Nicolas Carrière estime que le droit à l’accès à des garderies dans sa langue est bafoué. Il souhaite qu’une instance indépendante s’intéresse à la question.
PHOTO : RADIO-CANADA

Nicolas Carrière, ancien président du conseil d’administration d’une garderie de Fredericton, est du même avis. Il cherche à faire appliquer ce droit qu’il croit bafoué dans la province.

La commissaire interpellée

En mars, Nicolas Carrière a donc interpellé le Commissariat aux langues officielles, qui veille à la protection des droits linguistiques au Nouveau-Brunswick.

Par courriel, il a fait valoir ses arguments : la Loi sur l’éducation protège l’accès des familles francophones à une éducation en français à partir de la maternelle. Toutefois, aucune protection n’existe pour assurer un accès à l’éducation à la petite enfance, au niveau préscolaire. Ce manque de protection peut favoriser une assimilation des francophones, a-t-il-écrit.

Affiche du commissariat aux langues officielles.
Le commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick a été invité de se prononcer sur la question.
PHOTO : RADIO-CANADA / MICHEL CORRIVEAU

Selon lui, le commissariat était capable de faire avancer sa cause.

Je me suis dit, si le Commissariat aux langues officielles est capable de reconnaître que c’est un problème et qu’il peut agir là-dessus, ça va être un moyen d’amener du changement positif pour les francophones, explique le père de famille.

Plainte non recevable

En avril, le Commissariat lui a répondu que sa plainte était non recevable. Le mandat du bureau se limite à l’application de la Loi sur les langues officielles, qui exclut les institutions de petites enfances.

Shirley MacLean.
La plainte de Nicolas Carrière a été jugée non recevable par la commissaire aux langues officielles.
PHOTO : RADIO-CANADA / SARAH DÉRY

Nous n’avons donc aucun droit de regard, résume la commissaire Shirley MacLean, dans la réponse envoyée au citoyen.

Nous vous encourageons à exprimer vos préoccupations au ministère si vous ne l’avez pas déjà fait, ajoute-t-elle plus loin dans sa réponse.

Le ministre renvoie la balle aux tribunaux

La vocation éducative des garderies du Nouveau-Brunswick est reconnue par la province.

On a un système d’éducation de la petite enfance. Ce n’est pas seulement des garderies, indiquait par exemple l’ancien ministre Dominic Cardy en avril 2022. L’appellation garderie éducative est d’ailleurs fréquemment utilisé par les communications du gouvernement.

Or, le ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, Bill Hogan dit que la province n’a pas l’obligation de garantir l’accès à ces services dans les deux langues, bien qu’il ne soit pas contre le principe.

Je suis d’accord avec ça, mais c’est quelque chose qui est choisi par la Cour. […] Si la Cour décide que les droits constitutionnels comprennent les garderies de la petite enfance, on va le respecter, a-t-il indiqué en mars dernier.

Bill Hogan.
Bill Hogan ne compte pas garantir une place en garderie dans sa langue s’il n’en a pas l’obligation.
PHOTO : RADIO-CANADA / MICHEL CORRIVEAU

Mais se tourner vers les tribunaux, un processus souvent très long et complexe, n’est pas raisonnable selon Nicolas Carrière.

Moi je suis un professionnel, j’ai un emploi, ma femme a un emploi. Notre horaire du temps est assez chargé entre les cours de gymnastique, faire à manger, travailler…

« Il ne nous reste plus beaucoup de temps pour aller en cours et voir si le gouvernement a une obligation ou pas! »— Une citation de  Nicolas Carrière

Une photo d'un petit drapeau de la province à côté d'un bac de jouets.
Selon plusieurs observateurs, garantir l’accès à des places de garderie en français est important en région francominoritaire.
PHOTO : RADIO-CANADA / ALIX VILLENEUVE

Nicolas Carrière avoue ne pas savoir vers qui se tourner. Où est-ce qu’on peut aller faire valoir nos droits? À quelle porte est-ce qu’on peut aller cogner pour aller chercher des résultats positifs pour les francophones?, se demande-t-il.

Je pense que la dernière chose qui me reste à faire c’est d’interpeller le président de la SANB, croit-il. Selon lui, l’organisme acadien à une expertise dans le domaine et pourrait diriger ses prochaines démarches. On en arrive à la conclusion que ce n’est pas un droit qui est protégé.

Les tribunaux sont une option, dit la SANB

Le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick n’exclut pas de se tourner vers les tribunaux pour confirmer le droit d’accès aux garderies, mais il ne s’engage pas.

C’est toujours une option. On a un rôle de justement défendre les intérêts et les droits des Acadiens et des francophones de la province, explique Alexandre Cédric Doucet.

Alexandre Cédric Doucet en entrevue
Alexandre Cédric Doucet ne ferme pas la porte à se tourner vers les tribunaux.
PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK LACELLE

Il pense également que le commissaire fédéral sur les langues officielles pourrait être interpellé, même si la petite enfance est de juridiction provinciale.

Parce que le fédéral, à l’intérieur de la loi sur les langues officielles, a une obligation de s’engager dans le développement des communautés francophones en dehors du Québec.

Augmenter le pouvoir de la commissaire

Selon Alexandre Cédric Doucet, il faudrait également augmenter les pouvoirs de la commissaire provinciale sur les langues officielles pour qu’elle puisse s’intéresser aux questions comme l’accès aux garderies.

C’était une des recommandations que la communauté acadienne et francophone avait faite pendant le processus de révision de la loi. On voulait la fusion de la loi sur les langues officielles et la loi sur les deux communautés linguistiques officielles.

Après trois ans de discussions, la révision de la loi sur les langues officielles est terminée.

Le premier ministre Blaine Higgs, responsable du dossier, a rejeté les recommandations formulées par la communauté acadienne, ainsi que par les deux experts qu’il avait mandatés sur la question.

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