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Éditions Prise de parole : 50 ans à faire rayonner la littérature franco-ontarienne |RADIO-CANADA|

Prenez note que cet article ne fait plus l’objet de mise à jour et pourrait contenir des informations désuètes.

RADIO-CANADA – Miguelle-Éloïse Lachance Mohamed Tiene, publié le 5 mai 2025

Les Éditions Prise de parole célèbrent le 50e anniversaire de leur fondation à Sudbury, le 5 mai 1973.

Les Éditions Prise de parole sont installées à la Place des Arts du Grand Sudbury depuis mars 2022.
PHOTO : RADIO-CANADA

La maison d’édition est l’un des organismes membre du Regroupement des organismes culturels de Sudbury (ROCS), qui permet de concerter leurs efforts pour la diffusion de la culture franco-ontarienne.

Sa fondation s’inscrit dans un mouvement de création et de construction identitaire qui a marqué les années 1970 à Sudbury, menant notamment à la naissance de la Nuit sur l’étang et du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO), deux autres membres du ROCS.

l'intérieure d'une boutique avec des livres
Les débuts de la maison d’édition s’inscrivent dans un mouvement de construction identitaire qui a marqué les années 1970 à Sudbury.
PHOTO : RADIO-CANADA

Prise de parole tire son origine d’un club littéraire mis sur pied par trois étudiants de l’Université Laurentienne : Denis St-Jules, Gaston Tremblay et Jean Lalonde. Le club est animé par le professeur de littérature Fernand Dorais.

Ils ont le souhait de publier un recueil de textes écrits lors d’une série d’ateliers de créations.

Denis St-Jules affirme que de se tourner vers le Québec n’était pas vraiment une option.

On allait forcément tomber sur des oreilles sourdes au Québec et donc la solution à tout ça, c’était de créer notre propre maison d’édition. Et c’est Gaston Tremblay qui a eu cette idée qui nous semblait un peu farfelue à l’époque, se rappelle-t-il.

Appuyés par Robert Dickson, un autre professeur, ils demandent notamment conseil au poète Gaston Miron, cofondateur des éditions de l’Hexagone.

Photo du poète, qui regarde la caméra dans une chemise rayée.
Robert Dickson, un mentor pour plusieurs auteurs, a été impliqué à Prise de parole jusqu’à son décès en 2007.(Photo d’archives)
PHOTO : ÉDITIONS PRISE DE PAROLE

Johanne Melançon, spécialiste de la littérature franco-ontarienne, raconte que l’objectif était au départ de lancer l’œuvre lors de la première Nuit sur l’étang, en mars 1973.

La Nuit sur l’étang était alors la grande fête qui venait conclure le premier Congrès Franco-Parole, et malheureusement [les fondateurs de Prise de parole] n’avaient peut-être pas beaucoup d’expérience et le livre n’était pas prêt à ce moment-là.

L’ouvrage a plutôt été présenté à un congrès de l’Association canadienne-française de l’Ontario, aujourd’hui l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), début mai.

À écouter :

Denis St-Jules raconte que l’invitation a alors été lancée aux auteurs.

C’est le moment maintenant qu’on a une maison d’édition chez nous de sortir ces manuscrits qui prennent la poussière dans des tiroirs un peu partout chez vous. Envoyez-nous ça et on va entreprendre une démarche de publication, cite M. St-Jules.

Un début modeste

Au départ, la maison d’édition existait surtout dans la cuisine de celui qui avait les boîtes, se souvient Denis St-Jules.

Portrait d'un homme dans un pièce insonorisée.
Denis St-Jules faisait partie d’un club littéraire formé d’étudiants de l’Université Laurentienne qui est l’origine des Éditions Prise de parole. (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / BIENVENU SENGA

La maison a surtout été portée par des gens comme Claude Belcourt et Yvan Rancourt, qui ont publié des livres avec une machine à écrire dans les locaux de l’Université Laurentienne, raconte-t-il.

Il souligne aussi l’importante contribution de Robert Dickson, pendant les quelques années où Gaston Tremblay était parti étudier.

Prise de parole aura finalement pignon sur rue en 1978, dans un bureau du Centre des jeunes de Sudbury (aujourd’hui le Carrefour francophone).

M. Tremblay, de retour à Sudbury, deviendra à ce moment directeur général et éditeur, poste qu’il occupera pendant 10 ans.

Il passera alors beaucoup de temps à dénicher les auteurs, poètes et dramaturges, aujourd’hui renommés, racontent Denis St-Jules et Johanne Melançon.

Ils citent en exemple Patrice Desbiens et Jean Marc Dalpé.

Changement de garde

Gaston Tremblay a été remplacé par denise truax en 1988. Elle occupe encore aujourd’hui ce rôle de directrice générale, en tandem avec Stéphane Cormier

Mme truax est aussi directrice de l’édition, avec l’appui de Chloé Leduc-Bélanger depuis 2019, ainsi que de Sonya Malaborza pour les provinces de l’Atlantique.

Une femme avec des lunettes assise regarde devant.
denise truax, directrice générale des éditions Prise de parole à Sudbury.
PHOTO : RADIO-CANADA

Le projet Lieux-dits met en scène l’élément d’une passation. [L’ouvrage] Lignes-Signes a ouvert la voie et marqué les 50 première années. Lieux-dits va être d’une certaine façon un clin d’œil sur les années qui viennent, souligne denise truax.

Une personnes avec des lunettes assise regarde devant.
Chloé Leduc-Bélanger, éditrice et responsable des projets spéciaux à la maison d’édition Prise de parole à Sudbury.
PHOTO : RADIO-CANADA

Pour sa part, Chloé Leduc-Bélanger, l’éditrice et responsable des projets spéciaux, estime que la mission est de faire rayonner à la fois les œuvres de l’Ontario français, de l’Ouest et de l’Acadie. Nous sommes le reflet de la créativité de l’Ontario français et du Canada français.

Place aux femmes

Pour sa part, Denis St-Jules note que la maison d’édition a pris un virage féministe. Cela est tout à fait normal et nécessaire, souligne-t-il.

« La parole des femmes est beaucoup plus grande aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque. »— Une citation de  Denis St-Jules

Pour lui, les 50 ans de la maison d’édition sont également ceux de la voix des femmes.

Nous avons fait une immense place aux femmes qu’il n’y avait vraiment pas au début, affirme pour sa part Chloé Leduc-Bélanger, l’éditrice et responsable des projets spéciaux.

Un mandat d’animation culturelle

Johanne Melançon souligne quant à elle le rôle de Prise de parole dans la diffusion de la culture francophone.

Quand on y repense, là, en 1973, la radio de Radio-Canada n’était pas à Sudbury (NDLR : la station CBON a ouvert ses portes en 1978). Donc comment on faisait pour parler de la littérature?

Mme Melançon affirme que Prise de parole s’est donc mise au service de tous les créateurs littéraires franco-ontariens.

Elle s’est toujours préoccupée, non seulement de publier, mais aussi de faire la promotion, d’organiser des événements, des lancements, donc toutes ces occasions où les lecteurs et les lectrices peuvent rencontrer ceux et celles qui les ont fait rêver, qui ont écrit ces livres-là.

En constante réinvention

Lucie Hotte, professeure titulaire au Département de français et directrice du Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa, souligne la capacité de Prise de parole à évoluer.

Elle note que la maison d’édition ne s’est pas contentée de publier des textes à forte connotation identitaire.

Une femme portant des lunettes sur le campus de l'Université d'Ottawa.
Lucie Hotte, directrice du Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa.(Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / GUILLAUME LAFRENIÈRE

Mme Hotte, dans ses travaux de recherche, souligne un tournant important avec la publication de la pièce Le chien, de Jean Marc Dalpé.

C’est la fin de ce qu’on appelle la littérature identitaire, explique la professeure.

Les lecteurs et la critique mettaient beaucoup l’accent sur une littérature franco-ontarienne qui part de l’Ontario français, poursuit-elle.

Avec Le chien, on rentre vraiment dans une littérature plus individualiste, centrée sur des personnages qui habitent l’Ontario, comme si c’est tout à fait normal d’habiter l’Ontario, mais auparavant ils étaient toujours liés à une revendication.

L’œuvre a d’ailleurs été la première de l’Ontario français à être récompensée par le prix du gouverneur général, rappelle M. Dalpé.

C’est le prix pour toute une génération, toute une génération de nouveaux créateurs, de gens qui se sont engagés politiquement aussi dans la cause franco-ontarienne, qui arrivait à maturité.

Au fil des années, Prise de parole a ouvert ses portes à des auteurs d’ailleurs dans la francophonie canadienne, ainsi qu’aux immigrants et aux Autochtones.

Dans ce dernier cas, Lucie Hotte donne en exemple la pièce Dry Lips devrait déménager à Kapuskasing, de l’écrivain Tomson Highway, traduite en français par Jean Marc Dalpé.

Il sourit au micro.
L’auteur et dramaturge Jean Marc Dalpé (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / HAMZA ABOUELOUAFAA

Chez Prise de parole, il y a un véritable désir de nouer des liens avec les gens avec qui on partage la vie, avec qui on partage le territoire, confie M. Dalpé.

Le dramaturge témoigne aussi de l’importance de traduire ces textes classiques, comme du Shakespeare. Mes amis [québécois] vont me dire « Oh, tu traduis en québécois », et je dis non, en franco-ontarien.

« La maturité d’une culture, d’un peuple, tu sais, c’est d’assumer sa position dans l’éventail des langues et des nuances des langues. »— Une citation de  Jean Marc Dalpé

Au sujet de denise truax, pilier de la maison d’édition depuis 35 ans, Mme Hotte souligne qu’elle a su bien s’entourer, notamment pour assurer une relève lorsqu’elle décidera de faire autre chose que de s’occuper de Prise de parole.

J’ai toujours eu une grande fierté de voir la maison continuer et de connaître énormément d’essor, admet Denis St-Jules. Sous la direction de denise truax, la maison s’est vraiment professionnalisée. La maison aussi s’est ouverte sur le Canada français à l’extérieur de l’Ontario.

J’ai toujours une certaine crainte qu’avec cette ouverture sur le monde, et avec les possibilités technologiques aujourd’hui, à un moment donné la maison d’édition ne soit plus nécessairement une maison de Sudbury, confie M. St-Jules.

Mais je sais, en tout cas j’ai de gros espoirs, que la maison continuera d’être la maison d’édition franco-ontarienne installée à Sudbury avec une ouverture bien sûr sur la francophonie canadienne plus grande, conclut l’ancien professeur et animateur radio.

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