Finir sa vie en français, une évidence pour cette aînée de Moncton |RADIO-CANADA|
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RADIO-CANADA – Frédéric Cammarano, publié le 4 avril 2024
La population vieillit rapidement en Atlantique. ICI Acadie vous présente cette semaine une série de reportages sur cet enjeu crucial.
La liste de foyers de soins sélectionnés par Régina et Omer Robichaud était bien courte. Ils avaient établi plusieurs critères, mais le plus important était de pouvoir vivre en français, même si cela voulait dire attendre.
Après neuf mois, ils se sont installés au Faubourg du Mascaret, l’un des rares foyers de soins désigné francophone de la région de Moncton. C’est un choix que Mme Robichaud ne regrette pas.
Les farces qu’on se raconte, des histoires, les jokes-là, ça se traduit pas là. Ça ne sonne pas bien en anglais
, explique Régina Robichaud.
En fait, selon la femme de 78 ans, pouvoir vivre en français en foyer de soins allait tellement de soi qu’elle et son mari n’ont même jamais discuté de la question.
Longue attente
Pour pouvoir obtenir une place dans ce foyer de soins, il aura fallu de la patience et quelques sacrifices.
Tout débute en février 2020 lorsqu’Omer Robichaud subit trois accidents vasculaires cérébraux en moins de deux mois. Il est alors placé en attente d’une place en foyer de soins au Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont.
Tous les jours, Régina Robichaud lui tient compagnie, puis rentre chez elle le soir pour y jouer du piano et réussir à traverser cette attente difficile. La mélomane possède un large recueil de pièces musicales, presque toutes en français.
Je m’assoyais au piano, puis je remercie Donat Lacroix qui venait de sortir un nouveau recueil de chants et je passais d’un couvert à l’autre avec les belles mélodies de Donat Lacroix
, explique-t-elle.
Musique et déménagement
Pour faciliter l’entrée au Faubourg du Mascaret de son mari, Régina Robichaud a accepté d’y emménager aussi.
Même si j’ai trouvé ça difficile de prendre la décision, je n’avais pas de choix
, dit-elle. Elle précise néanmoins qu’elle a posé une condition, celle d’apporter son piano, question d’avoir avec elle à la fois sa passion, sa culture et sa langue et ainsi faciliter cette transition.
Il faut dire que c’est grâce aux chansons françaises que le couple s’est rencontré au milieu des années 1960, dans une chorale acadienne plus précisément.
La musique ne les a ensuite plus jamais quittés. Lors des fêtes de famille, lui jouait de l’harmonica et elle, de l’accordéon.
Un objectif en tête
Régina Robichaud reconnaît que l’attente de neuf mois en 2020 n’a pas été facile, en pleine pandémie de COVID-19.
Elle note que le couple n’a jamais perdu de vue son objectif de vivre dans ce foyer francophone, qui était alors en construction. Il n’a jamais non plus considéré d’autres options pour espérer accélérer le processus, voire le simplifier.
Il y a question de fierté. Les mononcles, les matantes… tout le monde est francophone. On a quelques anglophones parmi la famille aussi, mais ça va de soi que tout se passe en français. Nos chansons, quand on fait nos sing along, on met quelques chants anglais pour nos beaux-frères, etc.
, explique-t-elle.
Le Faubourg du Mascaret se trouve aussi tout près de l’Université de Moncton, à laquelle le couple est étroitement lié. Lui, doyen en éducation pendant de nombreuses années et elle, professeure en nutrition et études familiales. Le foyer abritait aussi déjà certains amis.
Le poids de devenir proche aidante
Omer Robichaud entre finalement au foyer de soins en novembre 2020.
Au fil des mois, l’aide que Régina Robichaud doit fournir à son mari est de plus en plus importante.
Par exemple, il aimait beaucoup les croustilles, mais il était devenu très compliqué pour lui de manger lui-même.
Je mettais le morceau de chips dans sa main, puis là, il essayait. Il essayait. Ça a pris plusieurs semaines avant qu’il réussisse, mais, vers la fin, il pouvait manger lui-même
, raconte-t-elle.
Omer Robichaud est décédé en 2021 environ un an après être entré au foyer de soins.
Régina Robichaud ne regrette aujourd’hui rien de cette longue attente pour obtenir une place dans le foyer de soins francophone de leur choix, ni de cette période même si elle a été particulièrement difficile de son propre aveu.
Faut reconnaître qu’être proche aidant, c’est très demandant, c’est très exigeant physiquement du point de vue santé. On se rétablit et on le fait. On va au devoir. Surtout quand ton mari dit : « Je sais pas ce que je ferais si tu étais pas là »
, dit-elle.
La fin de vie, on peut la faciliter, on peut la rendre un peu plus vivable si on peut dire
, conclut Régina Robichaud.