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« Je suis francophone » : une enseignante d’origine indienne vit sa vie en français au Manitoba |RADIO-CANADA|

Prenez note que cet article ne fait plus l’objet de mise à jour et pourrait contenir des informations désuètes.

RADIO-CANADA – Natalia Weichsel, publié le 20 mars 2024

Né de parents indiens, Amita Khandpur est aujourd’hui enseignante de français à Winnipeg. Pour elle, le fait de grandir avec le français et l’anglais comme langues d’usage a contribué à forger son identité culturelle. « Je suis francophone, j’ai appris ma langue et je vis en français », dit-elle.

Selon Amita Khandpur, découvrir son identité francophone en tant que personne ayant appris le français comme seconde langue est toujours un parcours compliqué.
PHOTO : RADIO-CANADA / NATALIA WEICHSEL

Elle raconte que ses parents ont décidé de quitter l’Inde au milieu des années 1970 pour s’établir au Manitoba.

Mes parents sont arrivés au Canada en 1974, dans le milieu de décembre au milieu d’hiver, explique-t-elle. Ça fait maintenant presque 50 ans qu’ils vivent ici.

Pour les parents Jogesh et Savita Khandpur, il était très important que leurs enfants apprennent le français et l’anglais. PHOTO : FOURNIE PAR AMITA KHANDPUR

Lorsque Amita Khandpur est née en 1983, Savita et Jogesh Khandpur ont décidé qu’à la place d’apprendre l’hindi, leurs enfants apprendraient l’anglais et le français.

Mme Khandpur explique que pour ses parents, l’idée d’être Canadien signifiait être capable de parler ces deux langues. Malheureusement je n’ai pas appris ma langue maternelle avec eux, raconte-t-elle, expliquant à quel point c’était une décision difficile pour ses parents.

C’était la notion qu’il faut que les enfants apprennent la langue du pays. Il faut être assimilé à la culture d’ici, parce qu’il faut qu’on soit plus comme tout le monde d’autre, dit Amita Khandpur.

C’était pour devenir plus blanc et pour être plus invisible dans la communauté.

Une citation de Amita Khandpur

Je ne sais pas comment rattraper cet aspect de ma culture, alors je vais dans la direction opposée et j’essaie de vivre la culture francophone, souligne l’enseignante.

Être fière de sa francophonie

Amita Khandpur a commencé à apprendre le français dans le cadre d’un programme d’immersion. Aujourd’hui, elle est enseignante d’immersion française à la 7e et 8e année au sein de la Division scolaire Seven Oaks, à Winnipeg.

Pourtant, l’enseignante diplômée de l’Université de Saint-Boniface explique que son parcours linguistique a été marqué par de nombreux doutes sur elle-même ainsi que des doutes sur son identité.

J’ai cru que je n’étais pas assez bonne pour aller à l’Université de Saint-Boniface, révèle Amita Khandpur. Elle explique qu’elle avait souvent l’impression de ne pas entrer dans le moule de ce qu’est un francophone.

Dans ma tête, je me demande si je suis assez bonne. Est-ce que je suis capable? Est-ce que j’ai la permission de parler ou de m’identifier d’une telle façon parce que je parle français? explique-t-elle.

Amita Khandpur, photographiée ici en première année, a commencé à apprendre le français dans le cadre d’un programme d’immersion.
PHOTO : FOURNIE PAR AMITA KHANDPUR

Selon elle, découvrir son identité francophone en tant que personne ayant appris le français comme langue seconde est toujours un parcours compliqué.

C’est vraiment difficile d’être si vulnérable avec quelqu’un pour dire à voix haute que je suis fière de mon acquisition de langue et de la façon dont j’ai travaillé pour garder cette langue et la façon que j’essaie de vivre dans cette langue au quotidien dans ma vie.

Amita avec les étudiants de sa classe.
PHOTO : FOURNIE PAR AMITA KHANDPUR

Une définition personnelle

Originaire de Sainte-Anne au Manitoba, le Commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, confirme qu’il a lui aussi a été confronté à des questions difficiles en fonction de sa propre identité linguistique.

Tout au long de ma vie, l’identité a évolué en fonction du contexte de la nation canadienne-française et franco-manitobaine et de la francophonie, confie-t-il.

Le fait demeure que dans mon cœur, c’est la langue et la culture qui nous définissent, qui me définit.

Une citation de Raymond Théberge, Commissaire aux langues officielles
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge. (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / ANGIE BONENFANT

Tout comme Amita Khandpur, il estime que la relation d’une personne avec son identité linguistique peut être compliquée.

C’est une définition personnelle, dit le commissaire. On a toute une relation personnelle avec la langue à partir de notre vécu et de nos expériences.

Je pense qu’aujourd’hui dans la francophonie canadienne, on reconnaît toute cette diversité et cette expérience.

Raymond Théberge croit aussi que l’investissement dans les services en français est essentiel pour garantir que la langue reste vivante dans les environnements linguistiques minoritaires.

Pour assurer l’épanouissement de nos communautés linguistiques en situation minoritaire, on doit appuyer le développement de ces communautés par le biais de l’éducation, dit-il.

L’importance de l’appui politique

La professeure de sociolinguistique à l’Université de Moncton Laurence Arrighi estime aussi que les services en français sont essentiels pour la communauté.

Pour que des locuteurs puissent s’épanouir, il faut garantir qu’il y a un appareil législatif qui leur garantit certains droits d’usage de leur langue, explique la professeure.

C’est important de pouvoir écouter de la musique en français, de pouvoir lire en français, mais en même temps, il faut que tu puisses gagner ta vie dans cette langue aussi, ajoute Laurence Arrighi.

La professeure de sociolinguistique à l’Université de Moncton Laurence Arrighi.
PHOTO : FOURNIE PAR LAURENCE ARRIGHI

Au Manitoba, la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine stipule que la francophonie manitobaine regroupe les personnes de langue maternelle française et les personnes qui possèdent une affinité spéciale avec le français et s’en servent couramment dans la vie quotidienne même s’il ne s’agit pas de leur langue maternelle.

Selon Laurence Arrighi, ce type de définitions générales rend ça difficile de chiffrer le nombre de francophones vivant dans le pays. Elle ajoute que c’est la raison pour laquelle l’autodétermination de l’identité linguistique d’une personne doit permettre la fluidité.

On peut accepter l’idée qu’il y a une fluidité identitaire à différents niveaux, comme on l’a compris par exemple avec la question du genre, estime Laurence Arrighi.

Il faudrait aussi accepter cette idée qu’il y a plusieurs façons d’être francophone.

Une citation de Laurence Arrighi, professeure de sociolinguistique à l’Université de Moncton

Transmettre l’identité francophone

De son côté, Amita Khandpur assume son identité francophone avec fierté. Selon elle, être francophone signifie être capable de faire tout ce dont on a besoin en français, même si ce n’est pas notre langue maternelle.

C’est une notion qu’elle essaye d’inculquer à ses élèves. Des fois, j’ai encore la misère de l’accepter pour moi-même, mais je dis toujours à mes élèves qu’ils sont francophones, qu’ils parlent et qu’ils vivent en français, explique l’enseignante.

Elle ajoute que ses élèves l’ont également aidée à se sentir plus sûre de son identité linguistique et culturelle.

Beaucoup de mes élèves viennent de familles immigrantes, puis leurs parents ont gardé leur culture à la maison et ensuite ils l’amènent dans la salle de classe, confirme Mme Khandpur.

Ils m’apprennent comment revivre ma culture indienne et ils m’enseignent des choses que j’ai perdues.

Une citation de Amita Khandpur

Au-delà de ses élèves, l’enseignante explique que sa fille, Aurora, est sa plus grande source d’inspiration.

Si je suis capable de donner cette langue à ma fille, je vais le faire parce que je n’ai pas eu ma langue. Je vais donc lui donner la langue que j’ai apprise, dit-elle. C’est mon droit comme maman, mais c’est aussi son droit comme ma fille.

C’est quelque chose qui m’inspire à continuer pour ne pas perdre mon français.

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