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Les avocats manitobains doivent aborder la cohérence des versions bilingues des lois |RADIO-CANADA|

Prenez note que cet article ne fait plus l’objet de mise à jour et pourrait contenir des informations désuètes.

RADIO-CANADA – Gavin Boutroy, publié le 6 juillet 2023

Les avocats doivent aborder les différences entre les versions anglaise et française des lois bilingues dans des exposés qui portent sur l’interprétation de lois, selon une nouvelle directive de pratique de la Cour du Banc du Roi du Manitoba.

L’AJEFM inscrit cette directive de pratique dans une séquence de mesures de ce genre pour les francophones.
PHOTO : RADIO-CANADA / STEPHEN JAISON EMPSON

La directive de pratique, signée par le juge en chef de la Cour du Banc du Roi Glenn Joyal, est datée du 23 juin. Elle rappelle que, en vertu de l’article 23 de la Loi sur le Manitoba, les lois de la province doivent être bilingues.

La loi portant sur l’interprétation bilingue de lois implique une recherche du sens partagé des versions anglaise et française, ajoute le juge, en citant une décision récente de la Cour d’appel de la province.

Afin d’assurer que l’attention appropriée est portée aux versions française et anglaise de lois lorsqu’une cause comporte un enjeu lié à l’interprétation de lois, un avocat ou un plaideur sans avocat, doit dire, dans son exposé, s’il existe une divergence entre les versions anglaise et française, écrit Glenn Joyal.

En cas de divergence, les parties doivent aborder cette divergence dans leurs documents selon la méthode expliquée dans une décision récente de la Cour d’appel du Manitoba(Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Dans la cause 5185603 Manitoba Ltd et al v Government of Manitoba et al. la Cour d’appel relève l’absence d’une analyse des deux versions d’une loi dans la décision du juge Theodor Bock, de la Cour du Banc du Roi(Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Une exigence constitutionnelle

Ce qui n’a pas eu lieu dans la cour inférieure est une comparaison des versions anglaise et française […] pour déterminer si le même sens peut être dérivé des deux versions, indique la décision du comité de trois juges, Freda Steel, Marc Monnin et Christopher Mainella.

Les plaignants portaient en appel la décision de la Cour du Banc du Roi de rejeter leur poursuite. Il s’agit de propriétaires d’un bâtiment qui avait été loué par une agence du Service à l’enfant et à la famille de la province. Le gouvernement de Brian Pallister a tenté de mettre fin à ce bail, ce qui a mené à la cause en question. Elle comprenait aussi une plainte en diffamation.

Après le début de la poursuite, la province a adopté une loi dont certains articles avaient pour but d’annuler le bail et de rejeter la demande en justice des plaignants.

En anglais, une disposition de la Loi d’exécution du budget de 2020 et modifiant diverses dispositions législatives en matière de fiscalité met fin aux poursuites directement ou indirectement liées à l’annulation du bail.

Le Palais législatif du Manitoba le 12 avril 2022.
La province a adopté une loi visant à mettre fin à une poursuite qui la nommait.
PHOTO : RADIO-CANADA / AMINE ELLATIFY

En français, le sens de la disposition législative est plus limité, selon la Cour d’appel. Elle vise les actions qui ont pour objet ou fondement, direct ou indirect l’annulation du bail.

Étant donné qu’il y a une divergence entre les versions française et anglaise, il incombe à un tribunal qui effectue une interprétation correcte d’appliquer la version plus restreinte des deux sens, tant que cette version plus restreinte semble conforme à l’intention du législateur, indique la Cour d’appel.

Le tribunal conclut donc que la plainte pour diffamation n’est pas visée par l’article 230(6) de la Loi.

L’interprétation bilingue au Manitoba est une exigence constitutionnelle. Les cours d’appel sont mandatées pour intervenir afin d’assurer une interprétation correcte conformément à la Loi sur le Manitoba. Il est approprié pour nous de le faire à ce stade, concluent les juges.

La Cour d’appel a aussi examiné l’interprétation du tribunal inférieur d’un autre article de la Loi d’exécution du budget de 2020 et modifiant diverses dispositions législatives en matière de fiscalité. Elle conclut finalement que celui-ci soulève la question de l’indépendance judiciaire et a renvoyé la cause à la Cour du Banc du Roi pour permettre aux parties de se prononcer sur cette question.

Un avantage pour les francophones

Le directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM), Tarik Daoudi, souligne que la directive de pratique de la Cour du Banc du Roi vient souligner l’importance du bilinguisme législatif.

La jurisprudence part de la base que les deux versions sont également authentiques et ont la même valeur, rappelle-t-il. C’est bien sûr un peu exceptionnel, mais parfois, il va y avoir une petite différence bien que les législateurs aient tenté de faire une version vraiment aussi identique que possible.

C’est juste la nature de la langue qui fait que, parfois, en application à une situation de fait particulière, il peut y avoir une différence entre l’interprétation des deux versions, poursuit-il.

Un jeune homme souriant assis.
Tarik Daoudi est le directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba.
PHOTO : TARIK DAOUDI

Il estime que cela bénéficie aux avocats francophones. Ça crée un avantage pour ceux qui ont au moins une compréhension du français ou qui peuvent étudier les deux versions des lois, en anglais et en français, souligne Tarik Daoudi.

Il inscrit cette directive de pratique dans une belle séquence de mesures de ce genre, pour les francophones.

Au cours de la dernière année, les trois tribunaux judiciaires du Manitoba ont changé leurs règlements pour exiger que les avocats citent les versions bilingues de toute loi qui existe en français et en anglais.

Il s’agissait d’une demande de l’AJEFM, qui voulait sensibiliser davantage la profession au rôle du français dans les tribunaux manitobains.

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