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Quel impact le blocage de Meta a-t-il sur les médias francophones hors Québec ? |RADIO-CANADA|

Prenez note que cet article ne fait plus l’objet de mise à jour et pourrait contenir des informations désuètes.

RADIO-CANADA – Garo Jomoian, publié le 25 aouut 2023

Alors que Meta, l’entreprise derrière Facebook et Instagram, continue de bloquer les contenus d’information canadiens sur ses plateformes, plusieurs journaux francophones hors du Québec se tournent vers la solidarité de leur communauté pour passer à travers cette nouvelle crise.

En août, Meta a commencé le processus de blocage des nouvelles canadiennes sur ses plateformes, en réaction à la Loi sur les nouvelles en ligne adoptée en juin dernier. (Photo d’archives)
PHOTO : REUTERS / DADO RUVIC

Depuis déjà quelques semaines, le géant des réseaux sociaux utilise ce moyen de pression en réponse à l’adoption par Ottawa de la Loi sur les médias en ligne, connue également sous le nom de Loi C-18. Cette dernière oblige les géants du web, dont Meta et Google, à compenser les organes médiatiques pour les contenus d’information diffusés sur leurs plateformes.

Jusqu’à présent, [ce blocage] n’a pas un très gros impact, explique le directeur général de L’Eau vive, le seul journal francophone de la Saskatchewan, Erik Tremblay.

Ce dernier estime qu’il est encore trop tôt pour connaître pleinement les conséquences de ce blocage pour la publication fransaskoise, d’autant plus que le nombre de lecteurs diminue habituellement au cours de la période estivale.

Le directeur général du journal fransaskois L’Eau vive, Erik Tremblay, explique que la majorité de son lectorat vient directement sur le site web de la publication. (Photo d’archives).
PHOTO : RADIO-CANADA

PHOTO : RADIO-CANADA

On voit une réduction peut-être de 5 % ou 10 %, mais c’est difficile d’attribuer ça à Meta, reconnaît le Fransaskois. On va sûrement mieux évaluer l’impact en septembre ou en octobre.

Erik Tremblay note, par ailleurs, que la grande majorité des lecteurs de L’Eau vive a l’habitude de consommer le journal en accédant directement au site web de la publication.

L’impact d’un tel blocage serait toutefois beaucoup plus grave pour le journal fransaskois si Google emboîtait le pas à Meta et retirait les contenus canadiens d’information de son moteur de recherche.

Si Google fait ce que Meta a fait, ça va nous faire beaucoup plus mal. L’Eau vive, ce n’est pas une expérience capitaliste, c’est une expérience de solidarité.

Une citation de Erik Tremblay, directeur général de L’Eau vive

Même son de cloche du côté du journal franco-ontarien l’Express de Toronto.

Son rédacteur en chef, François Bergeron, explique que seulement 5 % des lecteurs de l’hebdomadaire provenaient de Facebook et d’Instagram, tandis que 40 % d’entre eux accèdent au site web officiel du journal après avoir effectué une recherche sur Google.

Par ailleurs, 40 % des lecteurs de l’Express de Toronto viennent directement sur le site web de la publication, tandis que 10 à 15 % des lecteurs viennent des infolettres du journal.

François Bergeron se dit toutefois reconnaissant de la solidarité manifestée par la communauté franco-ontarienne. (Photo d’archives)
PHOTO : FRANÇOIS BERGERON

PHOTO : FRANÇOIS BERGERON

L’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas la majorité de nos lecteurs qui viennent de Facebook, [c’est qu’on] a des lecteurs un peu plus âgés que la moyenne, explique François Bergeron. Les plus vieux sont habitués à aller directement à la source du média.

Pour nous, Facebook, ce n’est pas dramatique, mais si Google met ses menaces à exécution, ça, ce sera dramatique.

Une citation de François Bergeron, rédacteur en chef de l’Express de Toronto

François Bergeron se dit toutefois reconnaissant de la solidarité manifestée par la communauté franco-ontarienne. On a eu de nombreux appels et des courriels de gens qui nous demandent « comment on peut vous aider? », confie-t-il.

Une solidarité communautaire qui se fait aussi sentir au Manitoba voisin. La directrice et rédactrice en chef du journal franco-manitobain La Liberté, Sophie Gaulin, se dit impressionnée par l’engagement du public francophone.

On a eu un très beau témoignage d’amour et d’engagement de nos lecteurs, et la moitié de ces gens-là ne sont pas à Winnipeg, se réjouit-elle.

Sophie Gaulin considère la nouvelle Loi sur les médias en ligne de « très courageuse ». (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / SIMON DESCHAMPS

PHOTO : RADIO-CANADA / SIMON DESCHAMPS

Avec près de 20 % de son lectorat qui provient des réseaux sociaux, Sophie Gaulin explique que le blocage de Meta va à l’encontre de la stratégie qui était mise en place par le journal pour attirer les jeunes lecteurs.

Nous avions mis une stratégie sur la découvrabilité de notre contenu à travers les plateformes, explique-t-elle. Dans cette stratégie de transition numérique, Meta a un rôle pour acquérir et pour faire découvrir notre contenu.

Une loi courageuse

La directrice du journal franco-manitobain considère que la Loi sur les médias en ligne mise en place par Ottawa est très courageuse pour l’avenir du métier de journalisme et de l’écosystème du monde actuel.

Les gouvernements ont compris qu’il fallait sévir et qu’il fallait remettre la responsabilité sur ces plateformes américaines, explique Sophie Gaulin.

C’est l’heure de la responsabilisation.

Une citation de Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef de La Liberté
Les revenus publicitaires de L’Eau vive ont chuté d’environ 30 % au cours des dernières années. (Photo d’archives) PHOTO : RADIO-CANADA

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Le financement d’un journal communautaire coûte très cher, renchérit Eric Tremblay, d’autant plus que les revenus publicitaires de L’Eau vive ont chuté d’environ 30 % au cours des dernières années.

Ça fait une décennie que les revenus vont vers les médias sociaux. […] On a perdu évidemment beaucoup de revenus publicitaires parce que maintenant les gens vont aller du côté de Facebook pour faire leurs annonces, déplore-t-il.

Un blocage qui n’est pas une surprise

Le rédacteur en chef de l’Express de Toronto, pour sa part, dit comprendre la réaction de Meta qui préfère, selon lui, garder les internautes sur ses propres plateformes.

Meta déteste les partages qui incitent les gens à aller ailleurs, affirme François Bergeron. Dans notre cas, quand on publie un article sur les réseaux sociaux, les gens s’en vont ailleurs que Facebook en cliquant sur ce lien.

En ce qui concerne la nouvelle loi fédérale, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire torontois estime qu’il s’agit d’une étrange conception du droit d’auteur.

Ce n’est pas Google et Facebook qui piratent les contenus des médias. Ce sont les médias qui les partagent stratégiquement, volontairement, souvent avec enthousiasme, sur ces réseaux, soutient-il.

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