Un premier week-end sous le signe de la francophonie au TIFF en Ontario |RADIO-CANADA
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RADIO-CANADA – Hadrien Volle, publié le 10 septembre 2023
La francophonie occupe une place de choix cette année au Festival international du film de Toronto (TIFF) et la première fin de semaine voit se succéder de nombreuses œuvres de langue française, dont plusieurs films très attendus.
Selon le programme du festival, 43 films francophones sont présentés cette année sur les écrans de la Ville Reine, et la sélection québécoise y est relativement riche.
Sophie Desmarais se félicite de cette présence. Celle-ci joue une chef d’orchestre dans le film de Chloé Robichaud Les jours heureux. On est quand même beaucoup d’ambassadrices québécoises
, lance-t-elle, en citant notamment la présence des films de Sophie Dupuis ou encore de Monia Chokri. Car l’enjeu de la langue est toujours pertinent, selon elle.
Ça reste un effort de résistance de la maintenir, de la garder, de l’enrichir, de l’encadrer, parce que oui, elle est menacée, c’est certain.
Une citation de Sophie Desmarais, actrice, Les jours heureux
Celle-ci ajoute que travailler en français, c’est aussi éviter un exode des talents québécois, tant devant que derrière la caméra, vers Hollywood.
C’est une fierté de pouvoir travailler dans ma langue
, dit-elle. Elle regrette néanmoins que les films francophones soient plus difficiles à exporter et à vendre
.
Autre film québécois présenté en première cette fin de semaine : le long métrage SOLO, de Sophie Dupuis, une histoire d’amour toxique entre deux hommes dans le milieu drag de Montréal.
Pour la réalisatrice, le français est une évidence et, bien qu’elle hésite parfois à céder aux sirènes de l’anglais, elle revendique : Je suis québécoise, j’ai grandi dans une petite région en Abitibi et le français est mon langage, ma façon de m’exprimer, mon monde.
C’est participer à ma culture, finalement. Et c’est très important pour moi.
Une citation de Sophie Dupuis, réalisatrice de SOLO
Le TIFF a un rôle à jouer dans cet écosystème canadien et ses équipes en sont conscientes. Andréa Picard, conservatrice au festival, souligne que le défi de l’organisation n’est pas le manque de productions, mais plutôt l’inverse : Il y a des films qui sont en concurrence avec d’autres et on n’a pas à choisir entre deux présentations dans la journée, mais une dizaine.
Programmation variée
La francophonie ne se cantonne pas à un genre de cinéma. Bien sûr, le TIFF est toujours fier de montrer les œuvres qui ont participé à l’essor du cinéma français sur la scène internationale à travers l’histoire, par exemple en présentant cette fois-ci une nouvelle restauration de L’amour fou, de Jacques Rivette, icône de la Nouvelle Vague des années 1960.
Cette mission, le TIFF la poursuit tout au long de l’année, comme en témoigne la programmation au mois de mars d’un cycle autour du nouveau cinéma québécois dans lequel le public torontois a pu découvrir ou redécouvrir Sébastien Pilote, Sophie Deraspe et, déjà, Chloé Robichaud qui présentait son film Pays, sorti en 2016.
La programmation est très variée : de l’exploration sensorielle avec Mademoiselle Kenopsia, de Denis Côté, au drame social avec Bâtiment 5, de Ladj Ly, en passant par le cinéma expérimental avec Orlando, ma biographie politique, de Paul B. Preciado.
Le critique cinématographique québécois Elijah Baron, de passage au festival en tant que membre du jury pour le prix des critiques, souligne cette variété dans le choix des productions à l’affiche : Il y a une grande diversité de genres. On peut voir des histoires d’immigration, comme Ru, mais aussi des films plus ludiques, comme Vampire humaniste cherche suicidaire consentant.
L’histoire a fait du français une langue commune
Le festival est une plateforme importante afin de lancer un film sur le continent nord-américain.
L’organisme Unifrance, qui veille au développement du cinéma hexagonal, s’échine à mettre les petits plats dans les grands en faisant venir les bien nommés talents français autour de la quarantaine de productions qu’elle soutient.
Ces derniers jours sur la rue King Ouest, on a pu croiser Ladj Ly qui venait présenter Bâtiment 5 en première mondiale; Justine Triet, auréolée de sa Palme d’or remportée au Festival de Cannes avec Anatomie d’une chute au mois de mai; mais aussi Pio Marmaï, qui vient défendre sur le marché international la dernière comédie du duo Éric Toledano et Olivier Nakache, Une année difficile, l’un des seuls films qui parlent d’écologie dans le cadre du TIFF.
Du Burkina Faso au Québec en passant par la France et le Maroc, ce sont plusieurs dizaines de productions francophones qui sont projetées au festival. La langue est parfois mêlée à d’autres, comme le bamiléké dans Mambar Pierrette, de Rosine Mbakam, qui raconte le quotidien d’une mère célibataire de Douala, ou le créole dans Kanaval, d’Henri Pardo, qui revient sur l’arrivée au Canada d’un jeune Haïtien et sa famille en 1975.
L’un des films qui font sensation sur les écrans de la Ville Reine cette année est Sira, de la cinéaste burkinabée Apolline Traoré. Dans son œuvre qui revient sur la situation des habitants du Sahel face au terrorisme, on entend une myriade de langues, dont l’anglais et le peul, mais le français reste très utilisé.
Pour la réalisatrice, c’est l’évidence d’y avoir recours, puisqu’en Afrique de l’Ouest, presque tout le monde parle français
, un héritage qui permet aujourd’hui de se comprendre entre différentes ethnies.
Qu’il soit un outil de revendication, la trace d’un passé colonial ou le langage d’expression naturel des artistes, le français a fait les belles heures du TIFF et continue de rayonner dans les cinémas de la ville, pendant le festival et au-delà.