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FRANCITÉ – Mehdi Jaouhari, publié le 31 mars 2023
Natif du Burundi, Jean de Dieu Ndayahundwa a mené depuis des années un long combat pour la construction d’une nouvelle école francophone à Regina, en devenant une icône de la francophonie en Saskatchewan.
Le parcours de Jean de Dieu Ndayahundwa déconstruit tous les préjugés contre les immigrants au Canada. Son action bénévole a été officiellement reconnue en 2021 après avoir reçu la Médaille du bénévolat de la Saskatchewan. Pour cause, ce Fransaskois d’origine Burundaise a beaucoup donné de son temps et de son énergie pour sa communauté depuis qu’il s’est installé à Regina en 2009.
Membre fondateur et dirigeant du Collectif des parents inquiets et préoccupés (CPIP), Jean de Dieu Ndayahundwa œuvre aussi comme membre du conseil d’administration de la Fondation Fransaskoise et comme bénévole dans des organismes francophones ethnoculturels.
Un parent francophone engagé
Au terme d’un séjour de cinq ans en Belgique et une maîtrise en économie en poche, Jean de Dieu Ndayahundwa pose ses valises dans les prairies canadiennes. Une région très anglophone où vit aussi des minorités francophones vibrantes, mais peu connues.
« Avant de m’installer ici, je ne savais même pas qu’une communauté francophone existait en Saskatchewan », admet le Fransaskois d’adoption. Heureux de cette trouvaille, Jean de Dieu décroche un poste de coordonnateur au sein de l’association francophone locale de Regina. Une insertion professionnelle qui lui permet d’accélérer son intégration dans la communauté fransaskoise.
Avec la naissance de sa fille quelques années plus tard, le canadien d’origine burundaise a été confronté à de nombreux défis à l’instar de tous les parents francophones en milieu minoritaire. A leur tête, le faible investissement dans les écoles francophones à l’extérieur du Québec.
Tenace, Jean de Dieu Ndayahundwa ne baisse pas les bras devant cette réalité, puisqu’il tient beaucoup à scolariser sa fille en français langue première.
« Certes le français n’est pas ma langue maternelle, mais j’y tiens beaucoup. C’est à travers elle que j’ai découvert le monde » déclare le francophone dont le Burundi natal avait été colonisé par la Belgique.
Dès l’année scolaire 2013-2014, le Fransaskois d’adoption s’engage auprès d’autres parents francophones de la Saskatchewan lors d’une crise scolaire afin de réclamer de meilleures conditions dans les écoles francophones de la province.
Il co-fonde le CPIP avec six autres parents avec comme mission de faire respecter le droit à l’instruction en langue française dans cette province à majorité anglophone. Un droit enchâssé dans l’article 23 de la charte canadienne des droits et libertés.
« La situation était déplorable dans nos écoles avec des équipements vétustes et des classes surpeuplées. C’était une injustice qui m’a beaucoup interpellée » raconte celui qui a été biberonné au bénévolat dès son plus jeune âge dans le mouvement des scouts.
Un combat long, mais payant
Au départ, le CPIP multipliera les actions dès 2016 auprès du Conseil scolaire Fransaskois (CSF), en vain. Correspondances, communiqués, rencontres et campagnes de mobilisation des parents, convocation d’une AGE au CSF, beaucoup de recours ont été déployés afin de changer le statut quo, mais sans succès.
« C’est à ce moment là que nous avons compris qu’il fallait penser en dehors de la boite pour trouver d’autres solutions. Nous avons donc découvert le programme fédéral de contestation judiciaire et décidé d’aller encore plus loin dans notre démarche », se remémore Jean de Dieu Ndayahundwa.
Peu avant la fin de l’année 2017, le CPIP frappe fort, en déposant un recours judiciaire contre le gouvernement de la Saskatchewan pour exiger la construction d’une nouvelle école dans le nord-ouest de Regina. Une action forte qui poussera le CSF à revoir sa position, en s’alliant désormais avec le CPIP. De même, le gouvernement provincial a été contraint de se mettre à table de la médiation.
Au fil du temps, Jean de Dieu Ndayahundwa se retrouve presque seul dans le collectif après le départ de plusieurs parents qui ont quitté le collectif.
Il faut dire que l’engagement des membres du CPIP n’était pas sans sacrifices. En plus du temps de travail consacré au bénévolat, ces parents engagés ont subi des pressions et essuyés des commentaires peu encourageants par certains membres de la communauté.
« Il y avait pas mal de gens qui jugeaient que notre action était radicale. Certains ont même contacté mon employeur pour lui demander si mon engagement bénévole ne se faisait pas au détriment de mon travail », raconte le leader du CPIP, qui travaille présentement comme gestionnaire au Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan.
Premier fruit de la lutte acharnée du CPIP, le gouvernement de la Saskatchewan propose en 2018 une solution temporaire aux revendications des parents à travers l’allocation des locaux vacants d’une ancienne école anglophone dans le sud de la ville.
Mieux encore, la province signera avec le Conseil des écoles fransaskoises une entente prévoyant la construction de trois nouvelles écoles francophones à Regina, Saskatoon et Prince Albert d’ici 2025.
A l’issue d’une longue partie d’échec entre les parties prenantes du dossier, le long combat de Jean de Dieu Ndayahundwa sera couronné, le 1er septembre 2020, par l’annonce officielle de la nouvelle école élémentaire de Regina. Une journée qui restera gravée à jamais dans la mémoire du Fransaskois d’adoption.
Aujourd’hui encore, Jean de Dieu Ndayahundwa poursuit toujours son engagement au CPIP en faveur de l’éducation francophone en milieu minoritaire. Un engagement qui prouve aux plus sceptiques, la valeur ajoutée de l’immigration francophone en milieu minoritaire.