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La survie des minorités francophones passe par leur vitalité économique, dit un chercheur |RADIO-CANADA|

Prenez note que cet article ne fait plus l’objet de mise à jour et pourrait contenir des informations désuètes.

RADIO-CANADA – Publié le 1 juin 2024

Un chercheur français estime que les projets énergétiques dans la péninsule de Port-au-Port, à Terre-Neuve-et-Labrador, pourraient assurer la pérennité de la communauté francophone de la région.

André Magord a œuvré en Acadie en tant que chercheur à l’Université de Moncton en ethnolinguistique.
PHOTO : GRACIEUSETÉ : ERIC-MATHIEU DOUCET

Professeur de civilisations nord-américaines à l’Université de Poitiers, en France, André Magord recevra un doctorat honorifique de l’Université de Moncton samedi lors de la remise des diplômes au campus de Moncton.

Le chercheur français s’intéresse aux questions identitaires et aux minorités linguistiques depuis des décennies dans le cadre de son travail.

Ce qui le captive avec l’Acadie c’est que, contrairement aux populations européennes, il est possible d’étudier les communautés acadiennes depuis le premier jour de leur création.

Ce buste de Samuel de Champlain est érigé à Port-Royal en Nouvelle-Écosse.
PHOTO : RADIO-CANADA / SABRINA FABIAN

André Magord s’intéresse notamment à l’impact qu’ont eu les grands bouleversements sociétaux sur les modes de vie des minorités francophones au cours des dernières décennies.

Quand on pense aux minorités, le mode de vie communautaire en particulier était la clef pour la formation de cette identité et, depuis 30 à 40 ans, il est complètement déstructuré avec le phénomène de désocialisation, avance André Magord. Mon propos c’était un peu de dire que peut-être qu’on est un peu dépassé et qu’on a laissé des choses très importantes sur le côté de la route et qu’il faudrait qu’on se refocalise sur ces questions-là.

Le cas de Port-au-Port

L’une des choses oubliées sur la route, selon le chercheur, c’est que la vitalité des minorités francophones au Canada est intimement liée au développement économique de leurs communautés.

Il faut qu’il y ait un ensemble de population qui puisse se maintenir sur un territoire pour continuer à développer un mode de vie qui est le leur, singulier, en s’adaptant à toutes les transformations de la société, mais ça ne peut pas se faire aujourd’hui sans des emplois sur un territoire donné pour que cette singularité puisse continuer à se développer et se transformer, a-t-il expliqué au micro de Votre samedi.

Il donne en exemple le moratoire sur la pêche de la morue, en 1992, qui a largement ébranlé la vitalité de la communauté francophone de la péninsule de Port-au-Port, à Terre-Neuve.

L’activité économique principale de la péninsule disparaissait à cause de la grande pêche industrielle, rappelle-t-il.

Environ 4000 personnes habitent dans la péninsule de Port-au-Port, dans l’ouest de Terre-Neuve. (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK BUTLER

André Magord voit d’un bon œil le mégaprojet d’éolienne de l’entreprise World Energy GH2 dans la péninsule de Port-au-Port.

Ce serait quand même un juste retour que cette grande industrie internationale qui a détruit leur mode de vie, par ce développement-là, leur donne les moyens de recréer des emplois dans leurs communautés pour qu’ils puissent s’inscrire dans leur continuité et leur pérennité, lance-t-il.

Au cours de sa carrière, le chercheur s’est aussi penché sur l’identité francophone de Terre-Neuvienne.

Il raconte avoir été fasciné de découvrir la vitalité culturelle de ces petites communautés lorsqu’il s’est rendu sur la péninsule de Port-au-Port dans les années 1980.

Moi qui venais d’un milieu rural en Poitou, je pouvais faire des connexions avec ce que m’avaient raconté les anciens, raconte-t-il.

Vitalité et pérennité des minorités linguistiques

Un Forum réunissait justement des chercheurs de l’Université de Poitiers et de l’Université de Moncton cette semaine, au Carrefour international des études acadiennes.

Il se voulait un événement pour célébrer les liens d’amitié et de collaboration entre les deux universités.

Des personnes assistent à la conférence d’ouverture au lancement du Forum Moncton-Poitiers, le 29 mai 2024.
PHOTO : GRACIEUSETÉ : ERIC MATHIEU DOUCET

Lors des échanges, des constats positifs et négatifs sont sortis en lien avec l’avenir de la francophonie en Acadie, raconte-t-il.

Selon lui, la vitalité linguistique sera marquée par la course contre l’assimilation.

Le principal défi pour la survie des minorités sera la capacité à analyser l’ensemble des facteurs qui mène à l’assimilation, dit-il.

Malgré les langues officielles, malgré un travail en études acadiennes très solide de génération en génération […] le constat qu’on fait c’est que ce n’est pas suffisant si on vise l’idée d’un renouvellement intergénérationnel pour la transmission de la langue, il faut davantage.

D’un point de vue de recherche, son constat est un peu plus positif puisqu’il y a beaucoup de choses devant nous, on a beaucoup d’outils, beaucoup de moyens.

André Magord est aussi derrière le projet Francoralité, une bibliothèque sonore en ligne qui regroupe des archives sonores collectées depuis 1930 dans la ruralité du Centre-Ouest français, du Canada francophone et de la Louisiane.

On étudie comment cette culture qui est partie de la France […] s’est déplacée dans le temps et l’espace et qu’elle sent on peut lui donner aujourd’hui et en quoi ça peut nous aider dans ce processus de compréhension de qui on est et où on veut aller, explique-t-il.

Pour le chercheur, le doctorat honorifique qui lui sera remis samedi est un grand honneur, mais c’est surtout un moyen de souligner ces plus de quarante ans de coopération en études acadiennes entre l’Université de Poitiers et l’Université de Moncton.

Avec les informations de l’émission Votre samedi

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