Que reste-t-il de Strickland cent ans après sa fondation ? |RADIO-CANADA|
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RADIO-CANADA – Jimmy Chabot, publié le 3 août 2023
Août 1923 marque la fondation du village de Strickland, une communauté majoritairement francophone du Nord de l’Ontario.
Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une soixantaine de personnes à vivre dans le village de Strickland, fusionné avec la communauté de Fauquier. Seuls la caserne des pompiers volontaires et le bureau de poste sont encore en activité. Les écoles et les magasins sont effacés du paysage et l’église est fermée depuis 2005.
Les premiers colons s’y étaient établis dès 1917, mais le village a été officiellement fondé en 1923 après l’arrivée de son premier prêtre, Jules Cimon. La première rentrée scolaire a suivi, dès septembre de la même année.
Les irréductibles résidents s’accordent à dire que Strickland appartiendra toujours à ceux qui ne l’abandonnent pas.
Ça nous tient tous à cœur. Quand on a été élevé quelque part, on veut que ça continue et qu’il y ait de la vie là encore pour longtemps
, raconte Mona Bélanger, qui occupe le dernier emploi du village, maître de poste.
Elle occupe ce poste depuis 25 ans dans la maison familiale.
André Mainville habite une des 45 maisons desservies par le bureau de poste.
Il est toujours au rendez-vous à 14 heures pour aller chercher ses lettres et celles de son fils, Joseph, chef de la caserne de pompiers volontaires, qui vit avec lui.
C’est une place pour jaser en même temps, anciennement on jasait sur le perron de l’Église après la messe […] On vient jaser icitte.
Une citation de André Mainville, résident de Strickland
Dans la dernière année, Mona Bélanger a commencé à passer plus de temps à la maison familiale afin de prendre soin de sa mère Lucette, âgée de 90 ans.
Lucette Bélanger trouve que son village fait pitié
et est loin de ce qu’il a déjà été avec trois magasins, deux pool rooms, un chip stand, il n’y a plus de ça. C’est tout parti
, se désole-t-elle.
C’est moi qui ai fermé le dernier magasin [en 2018]. C’était rendu qu’on ne vendait plus, ça ne valait pas la peine de garder ça
, ajoute celle qui est la mémoire du village.
Signe de nostalgie, le bureau de poste est aujourd’hui décoré par l’ancienne caisse enregistreuse du magasin général et des boîtes de nourriture de produits du milieu des années 1950, tirées de la collection personnelle de Lucette Bélanger.
Elle croit qu’un miracle pourrait encore sauver son village natal.
Ils ont toujours dit que Strickland était assis sur une mine, ça n’a jamais été développé. Si ça arrivait, un boom [démographique]
, dit-elle avec un brin d’espoir.
L’histoire qu’elle raconte est une légende qui circule au village depuis son enfance.
Je ne verrai jamais ça, je n’aurai pas le temps de le voir. Depuis que je suis petite que j’en entends parler. [Strickland] ne serait pas une « ghost town » comme ils disent
, renchérit Lucette Bélanger.
Ça va disparaître de la carte, un jour
Jean-Louis Lévesque est moins optimiste face à l’avenir de son village natal.
Il n’y a plus rien, tout s’en va. Les bâtisses vieillissent, il n’y a plus personne pour remplacer le monde.
Une citation de Jean-Louis Lévesque, natif de Strickland
On est dans la grange que mon grand-père a construite au début des années 30. C’est tout prêt à craquer, c’est rendu tout croche. Un jour, un gros coup de vent, c’est terminé
, rétorque l’homme dont la famille a eu des temps durs à leur arrivée au village en mai 1927.
Sa grand-mère Anna Labonté s’est éteinte à l’âge de 37 ans, trois mois après son arrivée à Strickland, en octobre 1927. L’eau contaminée du puits fut mise en cause
, peut-on lire dans le journal de l’époque.
C’était un puit creusé à la pelle comme tout le monde avait dans ce temps-là. Ils ont commencé à être malades.
Une citation de Jean-Louis Lévesque, descendant de la famille Labonté
Mon grand-père a été malade un an et demi
, précise-t-il sur cette tragédie qui a touché 10 personnes de sa famille, dont 3 qui en sont morts.
Jean-Louis Lévesque demeure maintenant à Smooth Rock Falls, mais retourne chaque jour de l’été sur la terre qui l’a vu grandir pour s’occuper de son immense jardin.
Les personnes qui sont restées à Strickland ont accepté les conséquences du déclin du village.